samedi 5 novembre 2011

Platon et la Tortue volante #3


La conscience de Platon est comme un nuage empli de pénombres bleues. Ca s’évapore lentement par les oreilles, on dirait, et au loin, tout au fond de son cerveau, un petit ricanement subsiste.
-Où suis-je ?
Des yeux bordés de folie sont plantés devant lui et le dévisagent. Autour des yeux, il y a une peau parcheminée sur laquelle ont poussé de longs cheveux noirs emmêlés, de grandes moustaches de poisson-chat et une barbiche électrique. C’est Raspoutine Wainwright III.
-Tu es sur mon navire, le Pourfendeur Magnifique.
A travers la fenêtre de la cabine, un morceau de vent humide et salé vient caresser Platon et lui chuchote sa petite mélodie :
-Mélancolie des jours passés, la mer a tout emporté, mélancolie des nuits blessées, la mer m’a oublié…
Le capitaine pirate retrousse sa lèvre supérieure comme s’il voulait sourire, mais il n’y arrive pas alors il laisse tomber. Sur son chapeau, une tête de mort ricane à sa place.
-Te voilà des nôtres, à présent ! Tâche de t’en montrer digne.

Et il sort de la pièce pour aller sur le pont, parce que rien ne vaut le grand air vif du large quand on est un pirate. Platon chasse les derniers brins de fumée bleue qui lui sortent des oreilles. La pièce bouge encore un peu, mais c’est à cause des vagues qui viennent chatouiller le ventre du bateau.  Il regarde autour de lui.
-Tu es dans ma cabine, dit le Renard de Portsmouth.
Emergeant de l’ombre qui l’enveloppait comme on quitte un manteau confortable, le Renard est là qui lui sourit, mais cette fois son sourire parle avec un accent de vérité.
-Tu as de la chance, petit marin. Le capitaine croit que tu ne feras pas un bon pirate ! Seuls tes petits florins l’intéressaient. Sans moi, il te jetait par-dessus bord pour aller nourrir les poissons. Mais j’ai vu tes rêves dans ta conscience qui s’échappait, et j’ai bien aimé leur couleur. Il fallait que je voie de quelle matière est fait ton destin !
Dans les vagues en dessous, les poissons regrettent un peu.
-Alors je suis un pirate, maintenant ? dit Platon, et il se demande si c’est vraiment une bonne nouvelle.
-Pas encore, mon garçon. On ne devient pas pirate juste en embarquant sur un navire où flotte le pavillon noir !
-Je n’ai rien demandé, moi !
-C’est ce qu’ils disent tous, mais on n’arrive jamais ici par hasard…
-Surtout quand on est drogué et emmené de force !
L’image de Billy Budd se portant à son secours vient alors lui cogner les yeux.
-Aïe, dit-il (parce que c’est une image douloureuse).
-Tu te demandes ce qu’est devenu ce bon vieux Billy ? ricane le Renard. Ne t’en fais pas, on ne l’a pas frappé trop fort, et il a la tête dure…
Le pirate lui tend une écuelle remplie de bouillie au lard.
-Tiens, ton estomac ne sera pas trop mécontent de trouver de quoi se remplir !
Platon se frotte le ventre. Il est tout creux en effet, et ça résonne un peu quand on tape dessus.
-Quand tu auras fini, j’irai te présenter au reste de l’équipage, qui s’en fiche comme d’une guigne pour être honnête, et qui sera peut-être même méchant avec toi. Et puis tu pourras nettoyer le pont, en frottant bien entre les interstices parce que c’est là que des tas de saleté s’installent tu sais, du sable, de la poussière et du sang séché… Pour l’instant tu n’es qu’un pauvre petit marin perdu sur un navire de forbans, mais à la première bataille, si tu fais tes preuves, tu seras devenu un pirate !
Pendant que le renard de Portsmouth parlait, Platon a fini son écuelle. Son ventre ne résonne plus, mais dans sa tête persiste un lointain écho qui s’efface peu à peu.
Et le Pourfendeur Magnifique continue sa route.

lundi 10 octobre 2011

Platon et la Tortue volante #2

Platon savoure toujours à l’avance ses repas à l’auberge de l’Amiral Benbow. Non pas qu’on y trouve la meilleure nourriture du port, mais on est sûr d’y entendre les histoires de marins les plus incroyables et les récits de voyage les plus extraordinaires. Platon y nourrit ses rêves depuis toujours.
Il y a de cela vingt ans, un marin nommé Billy Budd vint voir l’ancien patron, et après une rapide discussion, l’auberge était à lui. Nul ne sait ce que les deux hommes se dirent ce jour-là, car leurs mots furent avalés bien vite par les murs en pierre grise, et ces murs-là se taisent à jamais. Le soir même, on vit l’aubergiste quitter le pays sans un regard en arrière, et Billy Budd s’installa dans sa nouvelle demeure comme s’il y avait toujours habité.
Platon a imaginé une centaine d’histoires possibles pour expliquer ce changement subit de propriétaire, et dès qu’il en trouve une nouvelle, il vient la raconter à Billy Budd. Le vieil homme écoute en souriant, puis le récit terminé il se lève en secouant la tête d’un air faussement navré :
-C’est une bonne histoire, dit-il, mais ce n’est pas la bonne histoire…
Parmi les habitués de l’auberge, on trouve Jacob Wilhelm Andersen, un personnage étrange qui semble attraper les fables dans les volutes de fumée qui tournent autour de lui. Il apprit ainsi un jour à Platon qu’une ville entière se trouvait dans les nuages, et qu’au moins trois autres reposaient dans les profondeurs de l’océan. Le vieux Stevenson, un ancien marin qui prétend avoir été pirate sur le navire du terrible Capitaine Epouvante, ne raconte quant à lui que des histoires de trésors perdus sur des îles inaccessibles. Platon ne sait pas toujours s’il faut le croire, et toutes ces îles lui semblent trop belles pour être vraies, mais il est indéniable qu’il a déjà visité plusieurs d’entre elles au détour d’un songe. Balthazar Frangipane, lui, n’est pas souvent là, car il parcourt sans cesse les mers à la recherche de ses frères, disparus il y a bien longtemps, mais quand il revient au port, on est sûr de le retrouver à l’Amiral Benbow. Contre un verre de bon cidre, il vous parle alors de tous ces lieux insolites qu’il a visités, de toutes ces personnes admirables qu’il a rencontrées et de toutes les étoiles qu’il a suivies jusqu’ici…
Mais Platon ne retrouve aucun d’eux dans la grande salle de l’auberge ce jour-là, et la petite déception qui l’attendait derrière la porte vient tranquillement se poser sur son épaule.
-Tu as une nouvelle histoire à me raconter, petit ? demande Billy Budd.
-Pas cette fois-ci, répond Platon.
La petite déception hésite à venir se poser sur l’épaule du vieux Billy, mais finalement elle se trouve aussi bien là où elle est.
-Sers-moi donc ce que tu as de meilleur !
Platon fait sonner les 300 petits florins dans son sac, sur l’air du tralalala.
-C’est une jolie musique, dit Billy Budd, mais fais attention à ne pas la jouer trop fort, mon garçon !  
Dans un coin de la salle, là où l’ombre est la plus liquide, un homme observe Platon, et des convoitises lui mangent le visage. Si nous pouvions avertir notre héros, nous lui dirions de renoncer à son repas et de partir bien vite sans se retourner, car il s’agit là du Renard de Portsmouth, l’un des plus fidèles lieutenants du sanguinaire Raspoutine Wainwright III. S’extrayant lentement de l’ombre qui s’accroche à ses vêtements et dégouline à ses pieds, le Renard s’approche de Platon, et un sourire très bien imité lui pousse au-dessus du menton.
-Tiens, mais tu es Platon, le petit marin sans bateau, si je ne me trompe pas, dit-il d’une voix mielleuse qui colle aux dents.
-Oui, dit Platon.
-Je t’ai connu tout petit ! A peu près petit comme ça…
Il fait un geste.
-Ah oui, c’était petit ! dit Platon.
-J’étais un ami de ton père.
-Oh !
-Nous avons été à l’école ensemble…
-Mon père n’a jamais été à l’école !
-Exactement ! Nous étions inséparables, et nous n’y sommes pas allés ensemble !
-Oh !
-Ce que je peux te dire, c’est qu’il était un fier marin, et un compagnon précieux… Je vais te raconter quelques unes de nos aventures !
Et pendant que Platon, subjugué par les belles paroles aux couleurs de son père, s’imagine parcourant le grand océan à ses côtés, le Renard verse discrètement le contenu d’une petite fiole à la teinte désagréable dans le verre que Billy Budd vient de poser sur la table d’un air méfiant. Et Platon boit.
 Dans son estomac, ça commence à se mélanger d’un côté, et puis de l’autre, et une petite volute vaporeuse s’échappe en ricanant doucement. Ce n’est jamais bon signe, quand ce genre de chose arrive, et Platon sent sa tête devenir plus lourde à mesure que les mots du Renard de Portsmouth s’y glissent et s’y entassent et entreprennent de remplir tout l’espace.
Platon s’affaisse lentement contre le mur, et il voit Billy Budd accourir, et il entend les pierres grises lui chuchoter la réponse. Il sourit, parce que c’est tout bête, et puis il ne voit ni n’entend plus rien.

mardi 21 juin 2011

Caravore et les petits bonshommes de caramel


Il était une fois, sur la planète Caramel, un garçon qui s’ennuyait. Toute sa planète était en caramel, et il s’en était lassé depuis longtemps. Il était tout seul et n’avait rien à faire. Sa vie était longue, longue, longue…

Un  jour, pour tromper son ennui, il se mit à modeler un bout de caramel, comme ça, presque sans y faire attention. Il eut bientôt entre les mains un petit bonhomme. Il le trouva très mignon et n’eut pas le cœur à le manger.
-Si seulement il était vivant ! se dit-il. Ca me ferait un peu de compagnie…
A peine avait-il achevé sa phrase que le petit bonhomme de caramel bougea un bras, puis l’autre, et une jambe, puis l’autre, et il sauta de sa main. Il ne parla pas, parce que les petits bonshommes de caramel ne parlent pas. Mais il fit à son créateur un sourire qui voulait dire merci.
Alors le garçon façonna cent petits bonshommes, et tous sautèrent de sa main, et tous lui sourirent.
-Ca, ça me fait BEAUCOUP de compagnie ! se dit le garçon.
Il vécut heureux avec ses petits bonshommes de caramel, et l’histoire aurait pu s’arrêter là.

Mais l’histoire continua, car trois ans plus tard, une soucoupe volante atterrit sur la planète Caramel. C’était Caravore, le monstre mangeur de caramel, qui toute sa vie avait cherché cette planète et venait enfin de la trouver.
Il sauta de sa soucoupe et se précipita sur les petits bonshommes de caramel. Ceux-ci ne dirent rien, car ils ne savaient toujours pas parler. Et Caravore les dévora tous !
Le garçon fut bien malheureux, car il ne put rien faire pour empêcher cette horrible tragédie. Alors, il modela cent nouveaux bonshommes de caramel, et Caravore les dévora tous. Il en modela cent autres, et Caravore les dévora également.
Le garçon eut alors une idée : il modela mille bonshommes, et encore mille, et encore mille, et mille autres encore, et les envoya tous se faire manger par Caravore.
Caravore en mangea mille, puis mille autres, puis mille autres encore, et il dévora les mille derniers pareillement. Mais il avait tellement mangé qu’il était devenu énorme et ne pouvait plus bouger.
Le garçon modela un dernier petit bonhomme de caramel. Le petit bonhomme sauta sur le ventre de Caravore, et il grimpa jusqu’à sa bouche, et il se jeta dedans.
Et Caravore explosa !

Tous les petits bonshommes furent libérés, et le garçon ne fut plus jamais seul sur sa planète…

mardi 14 juin 2011

Le Chat Rivari et le Musée des Fées




L’histoire que je vais vous conter est vraie, c’est mon chat qui me l’a racontée et mon chat dit toujours la vérité !
Mon chat s’appelle Rivari, et quand le Musée des Fées est apparu dans notre village, il était en train de se prélasser au soleil. Il sentait les rayons lui caresser doucement les moustaches, et une légère brise passait devant son nez en chuchotant.
-Le Musée arrive, disait la brise. Le Musée arrive !
Et le Musée apparut.
Le Musée des Fées est un endroit magique. C’est là que sont exposés tous les objets extraordinaires que les fées rassemblent depuis des siècles : épées enchantées, miroirs vivants, capes d’invisibilité, anneaux magiques, bottes de sept lieues, gants de fumée…
Il existe des salles consacrées à chacune des fées les plus célèbres : on peut ainsi admirer la baguette de la Marraine de Cendrillon, ainsi que la fameuse citrouille et même les pantoufles de verre ! Dans une autre salle, le visiteur pourra découvrir la marmite de Carabosse ou bien la baignoire de Mélusine.
Toute une aile du musée est réservée aux plantes et potions merveilleuses.
Et enfin, pour le plus grand bonheur des enfants et des âmes pures, une grande partie du bâtiment est occupé par le Zoo Fantastique, où sont rassemblés les animaux et bêtes légendaires : licornes, griffons, chats noirs, renards, serpents à plumes, on y trouve aussi le Minotaure, le Phoenix, Pégase, le Wolpertinger et même Long Wang, le roi-dragon gigantesque !
Le Musée des Fées apparaît et disparaît au gré du vent, des saisons, des migrations des oiseaux ou bien d’autre chose qu’on ne connaît pas. Il peut se trouver demain au bas de votre rue, et le lendemain à l’autre bout du monde. Si jamais vous tombez dessus, profitez de la visite qui s’offre à vous car vous n’aurez sans doute plus jamais l’occasion de voir de telles merveilles !
Mon chat Rivari, lui, ne s’est pas fait prier. Curieux comme tous les chats le sont, il gravit lestement les marches en marbre blanc et franchit la large porte en améthyste du Musée. Il y passa l’après-midi, et il termina par la visite du Zoo Fantastique. Et là, il vit le poisson rouge !
Il ne s’agissait bien évidemment pas d’un poisson rouge ordinaire, mais du Poisson Originel, qui était né il y a 13,7 milliards d’années en même temps que le Big Bang. Depuis, il vivait une retraite bien méritée dans un bocal exposé au Musée des Fées.
Rivari le trouva à son goût et n’en fit qu’une bouchée.
Aussitôt, il ne se passa rien.
Mais au bout d’une minute et demie, il y eut un « Pop », et mon chat se mit à grossir d’un coup et devint tout rouge !
La gardienne du Musée, Milinette la Garde-Fée, remarqua qu’il se passait quelque chose d’anormal dans le Zoo. En voyant le gros chat tout rouge, elle comprit tout.
-Aïe aïe aïe ! se dit-elle. Si on découvre ça au Pays des Fées, je suis dans de beaux draps !

Elle alla vite acheter un autre poisson rouge, lui colla une baguette magique sur la nageoire pour faire croire que c’était bien un poisson merveilleux et le mit dans le bocal à la place du Poisson Originel.
-Bon, je suis tranquille quelques heures avant que l’on ne découvre la supercherie. Mais il faut que je récupère le vrai Poisson !!
Elle se mit alors à la recherche du gros chat rouge, qui ne pouvait pas être bien loin. Elle le trouva en effet occupé à faire sa toilette dans la salle des Trophées Mythologiques, entre la pomme de Discorde et le casque d’Hadès.
-Eh toi ! lança-t-elle à l’adresse du matou trop gourmand. Rends-moi le Poisson Originel !
Rivari leva la tête et considéra Milinette avec méfiance.
-Miaou, voulut-il dire.
Mais ce qui sortit de sa bouche, à son grand étonnement, ressemblait plutôt à :
-Comment veux-tu que je te le rende, puisque je l’ai mangé ? Il doit être mort…
La Fée trépigna.
-Ecoute, espèce de chat pardeur, je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails, mais ce poisson ne peut pas mourir ! Tel que je le connais, il doit être en train de se prélasser dans ton estomac en ricanant du bon tour qu’il me joue !
Rivari écouta son estomac, et il crut effectivement entendre une sorte de ricanement.
-Les poissons ne ricanent pas, dit-il quand même.
-Celui-ci peut le faire, et il le fait même très bien ! Et puis regarde-toi, tu mesures plus de deux mètres, tu es tout rouge et tu parles !!
-Simple intoxication alimentaire… Ton poisson n’était sans doute pas très frais !
-Pas frais mon poisson ?
Milinette en avait plus qu’assez de discuter avec un chat ensorcelé qui ne comprenait rien à rien. Elle sortit sa baguette magique et la pointa sur Rivari en prononçant une formule compliquée.
-Oups, se dit mon chat. Il est temps pour moi de repartir…
La Garde-Fée tenta de le pétrifier, mais Rivari esquiva et se mit à détaler à travers les couloirs du Musée.
Il franchit la grande porte comme un courant d’air et parcourut une dizaine de rues sans se retourner avant de s’arrêter. Il regarda autour de lui, mais ne reconnut pas l’endroit. Le Musée avait quitté notre village.
-Nous sommes à Rhapsody !
Rivari se retourna et se retrouva nez à nez avec Milinette.
-Je suis la gardienne du Musée et tu ne peux pas m’échapper !
Cette fois elle ne lui laissa pas le temps de déguerpir et l’immobilisa d’un sortilège bien placé.
-Que vas-tu faire de moi ? demanda  mon chat tout tremblant.
-Je vais récupérer mon Poisson ! Je connais quelqu’un dans cette ville qui pourra m’aider…
Un nouveau coup de baguette magique, et les voilà transportés dans les coulisses d’un vieux théâtre.

Un homme portant une cape et un chapeau noir les dévisage en souriant.
-Bonjour, Milinette ! Quel drôle de chat m’amènes-tu là ?
-Bonjour, Bracada ! Je vais avoir besoin de tes talents !
Bracada est le plus grand magicien de Rhapsody, la ville des magiciens. Milinette lui raconta tout et implora son aide. Bracada aimait bien les fées, aussi ne se fit-il pas prier bien longtemps.
-Mets donc ton chat dans cette boîte-là, et profite du spectacle !
Rivari fut allongé dans une caisse colorée d’où ne dépassaient que sa tête à un bout, et sa queue à l’autre. Bracada, une scie à la main, commença à couper la caisse en deux. Si Rivari n’avait pas été paralysé par le sort de Milinette, il l’aurait été par la frayeur qui le recouvrit de la tête aux pattes.
Bientôt, la boîte fut découpée en deux parties bien distinctes que le magicien éloigna l’une de l’autre. Et là, nageant dans l’air comme s’il était dans son bocal, se tenait le Poisson Originel.
-Vous pouvez applaudir ! dit-il.
Et Milinette applaudit à tout rompre !
Bracada recolla les deux morceaux ensemble, et quand il ouvrit la boîte, mon chat en sauta comme un beau diable. Milinette, qui n’était pas une fée rancunière comme certaines peuvent l’être, le renvoya chez nous d’un coup de baguette magique. Elle remercia Bracada, et retourna au Musée où le Poisson reprit sa place en soupirant, et où vous pouvez aller toujours l’admirer si l’occasion se présente.
Quant à Rivari, il ne mangea plus jamais de poisson.

lundi 13 juin 2011

Les 3 petits cochons pirates


Ces 3 petits cochons sont issus d'une séance de création d'histoires réalisée avec des jeunes lecteurs de la bibliothèque d'Erbrée...
Un petit livret regroupant leurs meilleures histoires est en préparation. Il est presque fini, ne manquent plus que de jolies illustrations pour chacune: celle-ci est la première!
La deuxième est en cours:
Quand j'aurai fait un dessin pour chacune, il sera temps d'imprimer tout ça sous forme d'un petit livret qui sera distribué à chaque participant!

mercredi 1 juin 2011

dimanche 6 mars 2011

Projet en cours

Une histoire en cours de réalisation, sur une idée de ma fille Lilwen!!


  

lundi 28 février 2011

Le Chevalier Sans-Nom contre Super Kidnappeur de Dragons #2

Le Chevalier Sans-Nom contre Super Kidnappeur de Dragons #1

Platon et la Tortue volante #1



Ce jour-là, puisqu’il faut bien commencer notre histoire, le soleil est apparu en deux endroits à la fois : au-dessus des toits rouges du port dans le ciel frais du matin, et sur le bord des vagues au bout de la jetée, doucement bercé par une légère houle. 

Platon le petit marin sans bateau se promène sur les quais. Il a sur la tête le foulard que son père lui a laissé avant de partir, il y a dix ans, pour le Pays de l’Aventure, d’où il n’est encore jamais revenu.
Un navire décharge ses marchandises. Sur les pavés s’entassent caisses, tonneaux et paniers remplis des trésors rapportés par les marchands de la ville au terme d’un périlleux voyage. Platon laisse son esprit vagabonder un instant sur ces routes maritimes qu’il connait par cœur à force de les avoir étudiées sur les cartes du vieux docteur Billevesées.
Mais le périple imaginaire tourne vite court, comme souvent, car un tapage insolite vient l’interrompre. Des cris sont poussés, des jurons sont lancés, et un jeune garçon débouche d’une ruelle en courant. C’est un Indien, il a une tunique en peau de bison et une plume d’aigle royal dans les cheveux.
-Arrêtez-le ! Arrêtez-le !
Platon s’écarte pour le laisser passer.
Alors, la ruelle semble avoir un haut-le-cœur, et comme si elle les vomissait, d’inquiétants personnages surgissent dans la clarté de notre récit : ils sont trois, un petit et deux grands. Il y en a un qui est même plus grand qu’un ours des plaines glacées de l’Alaska.
Le jeune Indien se retourne. Il a un arc. Il tire très vite. La flèche passe au-dessus du petit homme qui mène le groupe des poursuivants, et vient se planter dans le ventre du très grand. Mais on dirait que ça ne lui fait rien.
-C’est très étrange, se dit Platon.
Et il s’écarte encore un peu plus.
L’Indien saute sur une gouttière qui s’appuyait nonchalamment contre un mur et grimpe sur les toits. Le très grand le poursuit, il renverse la gouttière, s’agrippe au mur et l’escalade en faisant tomber des gros morceaux de briques derrière lui. Les deux autres poursuivants, le  nez en l’air, passent comme un éclair. Ils ont tous bientôt disparus.
Un peu étourdi, Platon reste quelques secondes à regarder les toits remettre en maugréant leurs tuiles en place.
Puis il se remet à flâner sur le quai, les mains dans les poches.
-Tiens, il se dit, qu’est ce que c’est ?
De sa poche droite, il sort un médaillon aux reflets dorés. Un dessin est gravé dessus dans un style un peu fruste.
-On dirait une sorte de tortue volant dans un soleil. Sûrement un porte-bonheur !
Platon a sans doute raison, car un médaillon qui arrive comme par magie dans sa poche, ça ne peut être qu’un porte-bonheur.
-Grande Loterie du Prix d’Offenbach ! crie alors un bateleur non loin de là. Venez tenter votre chance ! En l’honneur de notre vendredi le treizième, la cagnotte est de 300 petits florins ! Grande Loterie du Prix d’Offenbach! Double chance, deux tirages successifs !
Platon achète un billet. C’est le numéro 66.
Le ticket dans une main, le médaillon dans l’autre, le petit marin attend patiemment le résultat du premier tirage. La roue tourne, s’arrête, et annonce le gagnant :
-Numéro 66 !
-Je le savais, dit simplement Platon.
Il range alors précieusement son précieux talisman, récupère son lot de 300 petits florins et se dirige d’un pas joyeux vers l’office du bon docteur Billevesées. Il a hâte d’annoncer la nouvelle au vieil homme ! Ce petit pécule que la chance lui offre aujourd’hui va enfin lui permettre de s’acheter un bateau et de partir à son tour à la recherche du Pays de l’Aventure…
Mais avant cela, il va s’offrir un bon repas à l’auberge de l’Amiral Benbow.

Surfer Hanuman

Le canyon de l'Embuscade Mortelle des Indiens



-Halte !
Le lieutenant Cooper ordonne à ses hommes de s’arrêter. Quelques chevaux hennissent. Ils ont soif, mais ce n’est pas encore le moment de se reposer.
-Nous allons entrer dans le Canyon de l’Embuscade Mortelle des Indiens !
Le soldat Zane lève la main.
-Je n’aime pas trop passer par ce canyon, lieutenant !
-Ah bon ? Et pourquoi ça, soldat ?
-Un mauvais pressentiment…
Le lieutenant Cooper dévisage le soldat Zane.
-Gardez vos pressentiments pour vous ! La cavalerie américaine est au-dessus de ça !
Quelques soldats lèvent la tête.
-C’était une façon de parler ! grogne le lieutenant.
Le soldat Grey tend le bras vers les premiers contreforts du canyon.
-Non, mais on a vu des Indiens là-bas !
Cooper se retourne et scrute les rochers.
-Je ne vois rien.
-Si si, je vous assure, il y en avait trois !
-Quatre ! précise le soldat Twain.
-Je ne vois rien, répète le lieutenant.
Les rochers restent immobiles, c’est quelque chose qu’ils savent bien faire. L’un d’eux a une plume d’aigle qui dépasse.
-C’est quand même bizarre, ce rocher avec une plume, marmonne le sergent London.
-Vous trouvez, sergent ? demande le lieutenant.
Le sergent London est plutôt avare en paroles habituellement, et le lieutenant Cooper a appris à tenir compte de ses réflexions.
-Vous êtes sûr que vous trouvez ça bizarre, sergent ?
-Affirmatif, mon lieutenant !
Cooper se tourne vers ses hommes.
-Qui d’autre trouve qu’un rocher avec une plume d’aigle est bizarre ?
Vingt cavaliers, sur les vingt-cinq que compte le détachement, lèvent la main.
-Et les autres ?
Le soldat Zane prend la parole :
-Moi, je ne sais pas si j’aurais dit « bizarre » ! Je trouve ça plutôt « incongru », mon lieutenant…
Le lieutenant sort son petit carnet et note le mot.
-« Incongru »… très bien… qui d’autre ?
Le soldat Peckinpah prend la parole que lui tend le soldat Zane :
-Eh bien moi je trouve ça un peu « excentrique » pour un rocher !
-« Excentrique »… très bon, ça !
C’est au tour du soldat Ford :
-Moi, ça m’est égal, ce rocher fait bien ce qu’il veut, si vous me permettez, mon lieutenant !
-C’est un avis qui n’engage que vous, Ford !
Le soldat Twain s’avance alors :
-En fait, j’avais dit que je trouvais ça bizarre, mais finalement, après avoir entendu Zane, je trouve ça « incongru » moi aussi !
-Moi aussi ! dit le soldat Fenimore.
-Ah non, personne ne change d’avis, sinon on ne va pas y arriver ! s’écrie le lieutenant Cooper. Et vous, Wayne, on ne vous a pas entendu !
-J’hésite, mon lieutenant ! Parce que en même temps je trouve ça bizarre, et en même temps, si on part du principe qu’il y a peut-être un Indien caché derrière, ça prend sens, vous voyez…
Le lieutenant prend un air de concentration. Il n’en a emmené qu’un ce matin, mais il se dit que c’est le bon moment pour l’utiliser.
-Vous n’avez pas tout à fait tort, Wayne ! Je n’y avais pas pensé…
Tous les regards se tournent vers le rocher.
-Oh ! s’écrie Zane. Il y en a un autre !
-Oui, dit Grey, mais celui-ci a une plume de corbeau, non ?
-Exact ! Une plume de corbeau, c’est tout à fait ça ! Tenez, vous avez bien gagné votre badge « Ami des oiseaux », mon vieux !
-Merci, mon lieutenant !
La cérémonie de remise d’un badge est un évènement important dans la vie du régiment. Les cavaliers mettent pied à terre, époussettent leur chemise, sortent leurs gants blancs d’apparat et font briller leur sabre. Et c’est avec émotion que le lieutenant Cooper remet son badge à son subalterne, car il est fier d’avoir de tels hommes sous ses ordres !
La cérémonie achevée, chacun remonte à cheval.
-Oh ! s’écrie Peckinpah. Encore un autre rocher avec une plume !
Tout le monde regarde avec attention.
-Attendez, attendez, je reconnais cette plume !
-Oui, moi aussi, euh… une plume de mésange ?
-N’importe quoi ! C’est une plume de faucon !
-Non, non, c’est une plume d’oreiller !
Le lieutenant coupe court à la querelle.
-C’est une plume de caneton ! affirme-t-il.
-Elle est bien trop grande, mon lieutenant, dit le sergent London. Et en plus elle est bleue.
Le silence gêné dure deux minutes quand même.
-C’était un gros caneton ! tranche le lieutenant. Bleu. Et à l’avenir, sergent, quand j’aurai besoin de votre avis, je vous ferai signe !
Le soleil se met alors à sonner doucement dans le ciel.
-Ding ding ding…
Le lieutenant Cooper sort sa montre. Il l’ouvre et un petit éclat d’amour vient se loger dans son œil. Le portait de la douce Mary lui sourit tendrement.
-Je vous ai parlé de Mary, sergent ?
-Je croyais qu’elle s’appelait Anna, mon lieutenant !
Le lieutenant referme sa montre.
-Vous êtes sûr, sergent ? Bah, peu importe, il est l’heure de rentrer au fort, on a un peu trop traîné avec ces histoires de plumes ! On passera le Canyon de l’Embuscade Mortelle des Indiens une autre fois !
La petite troupe fait demi-tour, et le nuage de poussière qui la suit disparaît bientôt à l’horizon.

Alors, une voix s’échappe de l’un des rochers.
-Tu crois vraiment, toi, que c’est un peu trop excentrique ?